
L’âpreté des grandes métropoles.
27 avril 2025
Formations rocheuses
5 mai 2025L’attente de la prorogation de mon visa égyptien me permet une déambulation dans certains quartiers de la capitale, sans but précis, si ce n’est de laisser le hasard guider mes pas.
Ainsi, je prends le Métro jusqu’à une station éloignée, puis je retourne à mon hébergement en marchant sur plusieurs kilomètres, découvrant des ruelles animées où les habitants inventent parfois un semblant de vie villageoise. Je trouve des chèvres, des moutons, des lapins, des poules, des canards…les chiens et chats errants ont de la concurrence.
Alors que je bois un thé dans un des très nombreux petits cafés, j’observe, amusé, un boucher qui ne cesse de faire déguerpir quelques chats trop intéressés par une cuisse de bœuf. Si certains parviennent à mordre la viande sanguinolente, ils n’arrivent pas cependant à chaparder un petit morceau.
Un modeste salon de thé succède à une petite épicerie qui précède une boutique de vêtements se trouvant elle-même à proximité d’un tas d’ordure. J’atteins parfois une voie sans issue. Des nombreux logements y semblent précaires et souvent adjacent à des éboulis d’immeubles.
A deux reprises des personnes âgées m’arrêtent afin d’interrompre ma virée vers le fond de la ruelle. Ils me répètent « mafia, mafia », en montrant du doigt la destination à éviter. Ils veulent m’informer d’un danger que je ne perçois pourtant pas.
Je passe régulièrement à quelques centimètres de gens démunis dormant sur un trottoir ou à même le bitume contre le parapet d’un pont.
Un petit attelage tracté par un cheval passe, chargé de gros sacs contenant des déchets à recycler. Les chiffonniers, s’activent de toute part. De leur collecte dépend leur repas du jour. Leurs guenilles crasseuses révèlent leur extrême pauvreté.
Chemin faisant, je fais une brève halte afin de me sustenter. Il y a toujours une petite gargote pour me satisfaire. Mieux vaut généralement éviter de jeter un œil en cuisine, tant certaines d’entre elles sont plutôt sales. Une bonne manière de parfaire son immunisation.
Lorsque je retourne aux bureaux de l’immigration, on me demande d’attendre quatre jours supplémentaires.
Je mets donc ce temps à profit pour aller visiter le site de Saqqarah. Proche d’une palmeraie, le désert recouvre une grande partie de la nécropole. La pyramide à escalier attire immédiatement le regard.
Je suis impressionné tout au long de la visite par la quantité de tombeaux à l’intérieur desquels se trouvent de splendides décorations retraçant la vie de l’époque, chasse, pêche, agriculture…toutes ces scènes de vie accompagnent le défunt pour l’éternité.
Je m’attarde un peu dans le petit musée proche de l’entrée du site qui mérite la visite.
Puis je retourne à mon hébergement. Je franchis quelques canaux d’irrigation transformés en véritables dépotoir. J’aperçois également des gens qui dépiquent du blé.
Le lendemain, je décide d’aller visiter le monastère de St Simon le tanneur. Là, je découvre une petite merveille du fait de son emplacement et de l’originalité de sa structure. L’endroit a en effet été creusé dans la falaise par les éboueurs chrétiens coptes orthodoxes de la ville, appelés Zabbaleen.
Ceux-ci, ne parvenant plus à vivre de l’agriculture sont venus s’installer dans le quartier vers les années 1940. Depuis, ils ont créé « la cité des déchets », une véritable institution dans la ville. Les détritus récupérés par les chiffonniers du Caire arrivent ici où ils sont triés manuellement. Plus de 90 000 personnes y vivent, soit l’équivalent de villes comme Pau, La Rochelle, Béziers, Dunkerque ou Poitiers.
La majorité des immeubles ne contiennent que des déchets. Le tri s’effectue au rez-de-chaussée puis on transfère les sacs aux étages. Tout le monde s’active dans une odeur nauséabonde. Ils n’hésitent pas à plonger leurs mains dans les restes de nourriture qui iront ensuite nourrir quelques porcs dont j’entends parfois les grognements en passant devant un bâtiment. Quelques femmes sont munies de gants, mais la grande majorité des gens n’en utilisent pas.
Environ 80 % des déchets collectés sont recyclés contre 44,2 % en France (chiffres datant de 2021).
Je dois avouer qu’il me serait totalement impossible de rester vivre dans un tel endroit. Là, il est certain que j’ai atteint mes limites.
Comment ces gens-là peuvent-ils demeurer ici ?
Je déambule, littéralement « assommé » par ce que je découvre. J’ai du mal à photographier. Je suis pourtant touché par la gentillesse des habitants. Mais pour faire des images il me faudrait beaucoup plus de temps. Je décide de revenir ici le lendemain pour en savoir plus sur le fonctionnement de ce lieu et sur les conditions de vie des Zabbaleen. Malheureusement, l’activité est grandement réduite le dimanche. « Moussa » me conseille de revenir le lundi. Mais après être venu sur les lieux deux jours d’affilé, je préfère à présent amorcer ma descente vers le Sud.
L’heure de la reprise « sonne ».
Il est donc temps pour moi de quitter cette ville abracadabrante pour retrouver l’ivresse du vagabondage.


















































