Moments difficiles.
28 décembre 2024Bonne année 2025.
31 décembre 2024Après avoir récupéré mon visa iranien, je reste encore quelques jours à Erzurum afin de retirer l’argent nécessaire à ma traversée iranienne sachant qu’il m’y sera impossible d’utiliser ma carte bancaire.
Le froid s’atténue et les températures redeviennent même positives l’espace de quelques heures. Cela ne va pas durer, mais j’apprécie cette parenthèse de douceur relative.
En revanche, en déambulant dans les rues, mieux vaut rester très attentif en raison des stalactites qui se détachent en nombre des toitures. Ce sont parfois d’énormes paquets de neige qui viennent s’écraser sur le sol.
Le jour de Noël, alors que je viens de boire un café, j’observe dans le ciel un gros nuage de fumée. Un entrepôt brûle au cœur du centre-ville. Fort heureusement, aucune victime n’est à déplorer et l’incendie est totalement maitrisé.
Si en quelques heures la neige fond, en soirée, le retour du gel transforme les trottoirs en véritables patinoires. Alors que je vais m’acheter de quoi manger, j’aperçois plusieurs personnes se lançant involontairement dans des figures acrobatiques non maitrisées qui termineront toutes par des chutes spectaculaires.
Lorsque je quitte Erzurum, la neige s’invite par intermittence. Après quelques kilomètres, je commence à monter pour passer à près de 2400 mètres d’altitude. A ce moment-là, les flocons me laissent presque en paix, mais dès la descente le mauvais temps s’intensifie et je suis frigorifié. J’aperçois une station-service où je me réfugie pour prendre une boisson chaude. Le gérant doit m’aider à enlever mes gants car mes mains sont si froides que je ne parviens pas à m’en défaire. Je reste finalement surplace car la neige tombe fortement et la visibilité est de plus en plus limitée.
Je demeure un jour dans cette station-service car la route est dangereuse. J’ai hâte que cela se calme afin d’avancer un peu. Je ne peux opérer que par petits bonds. A cette saison-ci, en plus du mauvais temps, les jours sont beaucoup plus courts.
Je repars lorsque la route est parfaitement déneigée. L’absence de vent rend mon avancée agréable. Quelques petites meutes de chiens errants se manifestent régulièrement avec des aboiements qui n’ont rien d’effrayant. Certains s’approchent et l’intonation de ma voix, volontairement très douce, les calme aussitôt. Il est d’ailleurs fréquent, qu’ils me suivent sur quelques centaines de mètres, espérant peut-être un peu de nourriture.
Je flirte à nouveau avec un passage proche de 2400 mètres. Puis au-delà, tout bascule. Le vent commence à se lever, le froid se fait sentir alors que la luminosité s’amoindrit. A ce moment-là, je crève. Je pousse mon vélo sur quelques dizaines de mètres. Loin d’être euphorique, je m’attèle à la réparation. Pour cela j’ôte mes gants. Je cherche en vain la cause de la crevaison et change la chambre à air. Tout l’équipement de nouveau harnaché, je renfile mes gants avec mes doigts déjà plus sensibles. Quelques petits kilomètres plus loin, j’ai droit à une deuxième crevaison. Il est clair qu’il y a quelque chose dans le pneu qui en est la cause. Une fois de plus, je décharge, j’enlève mes gants, je scrute le pneu avec mes mains douloureuses, mais je ne trouve rien et je ressens de plus en plus le froid. Je ne sens plus mes mains au point qu’après avoir changé une nouvelle fois ma chambre à air et rechargé mon équipement, j’ai du mal à enfiler mes gants. Décidemment, ce n’est pas mon jour de chance car une troisième crevaison m’oblige de nouveau à m’arrêter. Cette fois je n’ai plus de chambre à air de rechange et je me sens incapable, de réparer avec mes doigts douloureux. Le ciel s’assombrit et je suis encore à une bonne quinzaine de kilomètres du prochain village. La couche de neige autour de moi est de plus en plus épaisse et m’interdit de rejoindre quelques bâtiments isolés qui pourraient me servir d’abri.
Une voiture de police qui arrive en sens inverse s’arrête et les agents m’interrogent. Ils ne comprennent pas ce que je fais dans cette région à cette saison…moi non plus ! Après le contrôle approfondi de mon passeport, ils contactent leur caserne puis stoppent un camion qui passe en invitant le chauffeur à me déposer dans la première bourgade.
Ouf, je suis sauvé !
Sur les conseils des policiers, ils me mènent dans un hôtel où séjournent des ouvriers. Je suis au chaud et je décide d’attendre le lendemain pour effectuer la réparation de mes chambres à air.
Je m’y attèle donc à présent après avoir fait un petit tour en ville. On m’annonce encore beaucoup de neige sur l’itinéraire que je vais emprunter pour atteindre l’Iran. J’espère que les routes seront déneigées et de ne surtout pas avoir de problème mécanique.