Grandeur d’âme iranienne.
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Ispahan, l’heure du choix.
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A la sortie d’Hamedan, une vieille fourgonnette est stationnée sur le bord de la route. A l’arrière, un jeune homme s’active à préparer du thé, du café, de quoi manger…une véritable petite gargote ambulante ! Il vient de préparer une omelette pour un camionneur et m’offre aussitôt un thé avant même que je n’ai ouvert la bouche pour lui commander.

Plusieurs hommes sont assis à quelques pas de là. Soudain, une violente dispute éclate entre un routier et l’un de ces hommes. Sans l’intervention des autres, ils en seraient venus aux mains. Les protagonistes qui ne cessent de s’invectiver sont retenus longuement jusqu’à ce que les esprits se calment enfin.

Pendant ce temps, je sirote tranquillement mon thé en échangeant quelques mots avec le jeune homme.

Quelques kilomètres plus loin, j’aperçois une famille qui cueille des raisins. A peine ai-je le temps de stabiliser mon vélo sur la béquille que me voilà convié à m’assoir sous un arbre pour me désaltérer et déguster une belle grappe de raisins blancs. Au moment de quitter la famille, voilà que le père insiste pour que j’emporte plusieurs grappes dont la conservation, vu la chaleur et la fragilité des fruits, relèverait de l’exploit. Après maintes palabres, je n’en emporte que deux, alors que l’homme était prêt à m’en donner une grande poche.

La production de raisins est importante dans la zone. Plus loin, on les fait sécher au soleil sur le bas-côté de la route. Lors d’un arrêt, on m’explique que les raisins séchés sont destinés à la Russie.

Dans la bourgade de Malayer on écale des noix que l’on vient de cueillir.  Je questionne un producteur et je repars au bout de quelques minutes avec une petite poche emplie de noix qu’il tient absolument à m’offrir.

Un peu plus loin on m’offre des pêches. Refuser est quasi impossible et négocier la diminution de la quantité relève de l’exploit et nécessite une grande négociation. Jamais, je n’ai trouvé un peuple aussi généreux.

Un soir, j’accroche mon hamac sans prêter attention à l’emplacement du soleil. Au petit matin l’astre dirige ses rayons en plein dans ma figure. Réveil néanmoins plus agréable qu’une vulgaire sonnerie.

Après une vingtaine de kilomètres, j’atteins Arak, que je ne fais que contourner afin de me rendre à la lagune salée de Miqan. Je contourne une usine et j’emprunte, « pas très légalement », un sentier qui me mène sur la piste fréquentée par les camions de l’usine. Là, je peux tirer quelques clichés, comme je le fais souvent sur nombre d’étendues salées disséminées sur ma route aux quatre coins de la planète.

Après Arak, je fais une halte dans un café (café Trial), où je déguste un expresso colombien. Le gérant me fait raconter quelques histoires autour du café afin d’alimenter sa page Instagram.  Je me prête volontiers au jeu, d’autant qu’au cours de ma vie vagabonde j’ai eu maintes occasions de sillonner des plantations de café comme en Colombie, au Brésil, au Costa Rica…

En roulant vers Qom, je discute avec quelques jeunes afghans ayant fui le régime des Talibans. L’un d’eux m’explique qu’il a passé trois ans à Istanbul et qu’à présent, ayant trouvé un travail, il se sent bien ici en Iran.

Je passe ma dernière nuit avant d’atteindre la ville dans mon hamac à l’arrière d’une petite Mosquée. Si en France les cimetières permettent de s’approvisionner en eau, les Mosquées quant à elles, m’offrent eau et toilettes.

Alors que j’accroche mon hamac, deux routiers s’approchent et m’invitent aussitôt à partager quelques brochettes de poulet qu’ils font griller. Puis ils enchainent par un narguilé avant que nous soyons contraints d’abréger nos palabres en raison de la voracité d’énormes fourmis qui nous assaillent sans discontinuer.

Dans l’après-midi suivante, j’arrive à Qom, ville sainte du chiisme, et haut lieu de pèlerinage. Des croyants de différents pays viennent prier sur le sanctuaire de Fatimah Masoumeh, sœur du huitième imam chiite.

L’endroit n’est pas accessible aux non musulmans, sauf accompagnés d’un guide. Ne le sachant pas, je demande à l’entrée si je peux prendre des photos dans la cour intérieure. On m’invite aussitôt à m’assoir jusqu’à l’arrivée d’un homme qui me parle dans un très bon anglais. C’est un hodjatoleslam (un clerc). Après une brève discussion, il m’invite à le suivre et me sert de guide tout au long de la visite du lieu. L’homme s’avère d’une grande érudition et d’une étonnante sagesse. Si prendre des photos avec un appareil est interdit, cela est autorisé avec un téléphone. Ne voulant pas perturber les gens présents, je ne réalise que quelques clichés même si « mon guide » me rassure en m’invitant à en réaliser davantage. Les décorations du lieu sont d’une grande beauté et remarquable de finesse.

En revanche, dans cette ville Sainte, je ne vois quasiment que des femmes vêtues de noir. Quelques-unes portent un voile fin devant leur visage, mais cela est une minorité et certaines d’entre elles viennent de pays voisins.

Au moment de quitter Qom, je prends un dernier café lorsqu’un homme d’une quarantaine d’année entre et commence à dialoguer avec moi en anglais. Il se fait très critique sur le régime. Le poids de la religion l’insupporte. Il me dit également qu’il fait de la dépression et prends des médicaments comme pas mal de gens dans le pays, m’affirme-t-il. Puis après avoir bu son expresso, il repart en m’ayant offert le mien, ainsi qu’une viennoiserie.

En route j’aperçois quelques collines colorées au cœur desquelles je vais rouler. J’ai le sentiment de me trouver au Chili, vers San Pedro de Atacama. J’installe mon appareil photo sur le trépied, j’enclenche le retardateur et je cours illico enfourcher mon vélo afin d’immortaliser l’instant. Plusieurs aller-retours sont parfois nécessaires.

Plus tard, une voiture me dépasse et s’immobilise un peu plus loin. Le chauffeur en descend et m’attend une poche de fruits à la main. Quelques minutes se sont à peine écoulées, qu’un autre véhicule fait de même, mais cette fois le conducteur me donne une bouteille d’eau encore congelée.

Ainsi va la vie en Iran, où pas une journée ne s’écoule sans que l’on ne m’ait offert une boisson ou à manger. Les gens me demandent également fréquemment si j’ai besoin de quoique ce soit. Les Iraniens sont toujours disposés à m’aider.

Je me trouve aujourd’hui dans l’oasis de Kashan. J’y visite d’anciennes résidences traditionnelles de riches marchands ou même de princes. Celles-ci sont d’une rare magnificence. Je suis impressionné par les tours de vent, système de ventilation parfaitement étudié pour rafraichir les lieux. Le Hamman du sultan Amir Ahmad bénéficie d’une décoration exceptionnelle. Où que se pose mon regard, je ne cesse d’être émerveillé.  Au Bazar de Kachan je tombe sous le charme de la coupole marchande d’Amin od-Dowleh, avec son grand puits de lumière.

A l’issue de ces visites, je ne peux qu’être pensif sur l’évolution de l’homme, capable des plus belles et ingénieuses prouesses et qui semble actuellement concentrer son énergie dans la destruction et l’uniformité. Je suis beaucoup plus admiratif pour les ingénieux esprits ayant développé ces astucieuses tours de vent, que pour des ingénieurs passant leur temps à la recherche de nouveaux armements.

Je profite de cet arrêt pour faire une bonne lessive avant de poursuivre en direction d’Ispahan où d’autres merveilles m’attendent.