Ispahan, l’heure du choix.
23 septembre 2024En tête à tête avec la Caspienne.
8 octobre 2024Au terme de mon séjour à Ispahan, je m’engage donc la route du nord. J’opte cependant pour une partie désertique au cours de laquelle, je passe par une foule de sentiments.
La sortie d’Ispahan est une plongée matinale dans la loterie de la circulation. Je suis étonné de ne pas avoir encore assisté à un accident tant, voitures, camions, bus, motos, ignorent le code de la route et s’autoproclament tous simultanément, maîtres du bitume. On se frôle souvent, mais ça passe toujours.
Me voilà rapidement sur de longues lignes droites au cœur d’un paysage aride. Dans l’après-midi, j’aperçois au loin, sur ma gauche, ce qui ressemble à un caravansérail. Une piste m’y mène, m’offrant un joyau à l’abandon. L’endroit devait être spectaculaire. La ruine conserve néanmoins de beaux vestiges où il est facile d’imaginer la vie dans ce lieu empreint d’histoire.
Je suis admiratif et tout en flânant dans chaque recoin, je suis littéralement transporté à l’époque des caravanes de la route de la soie. Je devine les commerçants aisés dans la partie du bâtiment la plus complexe et les employés dans les endroits plus sommaires qui se détériorent plus vite. Les dromadaires avaient leur place.
Ce soir j’accroche mon hamac entre deux piliers, m’assurant une vue sur le formidable ciel étoilé, cadeau du désert. Je m’évade en pensée dans l’ambiance d’antan. Je n’éprouve aucune difficulté à imaginer les blatèrements des dromadaires, l’écho des conversations… Tant d’histoires de voyages ont été contées et vécues en ce lieu. Ce soir je vis une nuit dans le passé. Au-dessus de moi, les étoiles embellissent mes songes.
La journée suivante ne sera pas aussi jouissive. De nombreux camions me klaxonnent, soit pour que je m’écarte, soit pour me saluer, mais dans les deux cas, je saute sur le bas-côté. C’est épuisant ! Il fait chaud et je bois beaucoup.
Je tourne dans la ville de Nain en quête d’un endroit où dormir. Un homme me mène au parc où je plante ma toile de tente. L’endroit est plein de vie. Des couples viennent avec leurs enfants qui jouent joyeusement. Les cris et les rires raisonnent jusque tard dans la soirée.
De bon matin, je suis réveillé en musique, une très agréable mélodie moyen-orientale sur laquelle un petit groupe d’hommes s’adonnent à la gymnastique. Quelques femmes font de la marche sur les sentiers du parc. Alors que certains effectuent donc leur réveil musculaire, je préfère quant à moi savourer mon petit-déjeuner. Un peu avant la sortie de la ville, j’aperçois un homme qui répare des crevaisons. N’ayant pas encore rapiécé une chambre à air crevée hier, je m’arrête et l’homme s’empresse de m’y coller une rustine.
Si les premiers kilomètres de la journée défilent agréablement, il en est tout autre pour les derniers. Un vent puissant me cloue sur place. Je lutte pour gagner quelques mètres. Les dix derniers kilomètres sont les pires. Je multiplie les brèves pauses pour souffler et boire. Ainsi, par petits bonds, j’atteins enfin Anarak où j’accroche mon hamac sous un kiosque à la sortie de la ville. Ces dernières heures, je rêvais de boissons fraîches et gazeuses mais également de fruits. Si je n’ai eu aucun mal à trouver une boisson, je n’ai en revanche pas trouvé de fruits. Tout au long de la nuit, mon hamac est balloté par de violentes bourrasques.
Les jours se succèdent et le désert ne s’offre pas de bon gré. Eole semble vouloir m’en refouler. Tenterait-il de me dissuader de le traverser ?
Puis le temps se rafraichit et je consomme moins d’eau. A Jandak, je suis charmé par une forteresse au sein de laquelle vivent toujours plusieurs familles. Le lien entre passé et présent est palpable et se fait naturellement. Il n’y a pas l’histoire d’un côté et la vie actuelle de l’autre.
Les étapes suivantes sont rudes. Je protège au mieux mon matériel car sable et poussière volent. Je me courbe sur le guidon les traits crispés par l’effort. Même le sable du désert est tourmenté. Loin de l’uniformité et de la douceur des dunes ce sont ici des millions de vaguelettes d’un océan agité. Si les déserts me fascinentn je trouve cette partie par temps menaçant et couvert, plutôt angoissant. Une étrange atmosphère de fin du monde flotte sur la région. Par chance, quelques camions me sortent de ces pensées déprimantes.
Lorsqu’enfin j’atteins Damghan, je plante ma tente dans un grand parc. Entre les arbres, quelques plateformes cimentées permettent aux gens de piqueniquer ou camper, à condition de disposer d’une tente autoportante. Afin de stabiliser la mienne à l’aide de piquets, je m’installe plutôt sur la terre…erreur de débutant ! Au petit matin je suis réveillé brusquement par de l’eau froide. Je bondis hors de mon couchage et constate que la zone est noyée par quelques centimètres d’eau. Le système d’irrigation fonctionne visiblement bien. En quelques minutes je transfère tous mes effets sur la plateforme voisine. Le vent se fait cette fois mon allié en séchant rapidement mes affaires, sac de couchage, vêtements, tente…Fort heureusement rien n’est dégradé. Une personne m’affirme que Damghan est réputée pour être l’un des endroits les plus venteux du pays. Je ne sais pas si cela est véridique, mais les bourrasques actuelles ne laissent aucun répit. J’en profite donc pour réaliser une bonne lessive.
Puis un problème surgit. Mon téléphone est bloqué et donc mon accès internet qui me permet notamment de publier mes petits récits. Au terme d’un mois dans le pays les étrangers se doivent de faire enregistrer leur téléphone pour pouvoir continuer de l’utiliser. Une femme me mène dans un bureau où on nous dirige vers une agence téléphonique. On m’informe alors que l’enregistrement coûte environ 450 dollars. Je sors de là, accablé car d’une part je ne veux pas payer cette somme et en plus je n’en dispose pas. De plus, il est impossible d’utiliser une carte bancaire internationale ou même de se faire envoyer de l’argent. Pour le mois à venir je ne dispose que de 100 dollars en poche et ne peux donc pas me permettre un tel écart. Je me vois donc obligé d’interrompre mes chroniques pendant le reste de mon séjour en Iran. Puis, par hasard et bien que mon téléphone soit dorénavant bloqué, je me rends compte, après une tentative désespérée, que le partage de connexion fonctionne toujours et je peux donc continuer à utiliser mon ordinateur portable.
C’est ainsi que je peux finalement vous transmettre ces quelques lignes et images, mais notre lien à bien failli être coupé pendant quelques semaines.