La beauté se gagne.
21 décembre 2020
Bonne année 2021.
1 janvier 2021
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Face à mon impossibilité de franchir la frontière équatorienne, plusieurs options s’offraient à moi. La première consistait à prendre l’avion pour l’Equateur. Mais vous avouerez que cette option n’était pas très écologique pour le seul franchissement d’une frontière. Je préfère réserver ce type de transport pour mes changements de continents, qui sont bien moins fréquents.

J’ai également pensé retourner sur le bord de la rivière Putumayo, y acheter une pirogue, charger mon vélo, et ramer sur les méandres de cette rivière, au cœur de la forêt, pendant plusieurs mois, jusqu’à l’Amazone. Cette option me titille fortement, mais je risque de me retrouver coincé à la frontière brésilienne avec l’obligation d’un demi-tour… ou pire, m’y retrouver dans l’illégalité avec une bonne amende à la clé, surtout en cette période. Cette solution m’obligerait à me couper du monde pendant plusieurs mois.

En attendant, j’ai donc décidé d’effectuer une nouvelle traversée nord-sud de la Colombie et pour cela j’ai emprunté un bus à destination de Turbo sur le littoral Caraïbe, proche du Panama. C’est donc mon nouveau point de départ pour cette descente jusqu’à la frontière équatorienne. Mon but : cesser de tourner en rond et m’imaginer débutant un nouveau périple, comme si cette longue attente n’avait en fait été qu’un mauvais rêve.

Dès mon arrivée à Turbo, je suis assommé par une chaleur étouffante dont ces derniers mois dans les zones montagneuses, j’avais oublié les effets. Celle-ci satisfait les jeunes « cuida-motos », enfants, qui munis de plusieurs morceaux de cartons, les apposent sur les sièges des motos en stationnement. Cela évite aux propriétaires de se bruler le fessier en reprenant leur engin. En échange le gamin reçoit généralement une pièce. Mais ceux-ci doivent être vifs car parfois le motard ôte rapidement le morceau de carton et démarre aussitôt, sans que le gamin n’ai le temps de réclamer son dû.

Pendant plusieurs dizaines de kilomètres, je roule avec à ma gauche la baie d’Attrato et à ma droite de nombreuses plantations de bananiers porteurs de bananes plantains.

Dès que j’en ai l’occasion, j’emprunte des tronçons de pistes me menant à des petites plages sauvages, envahies par du bois flotté, charrié par les rivières voisines.

Je rencontre des paysans sans terre qui viennent d’occuper le terrain non cultivé d’un riche propriétaire. De nombreuses familles vont s’installer ici avec l’espoir d’y reconstruire une nouvelle existence. Beaucoup ont été victimes de groupes armés qui les ont dépossédés de tous leurs biens.

Je suis parfois rincé par une averse matinale de courte durée. Vu la chaleur étouffante régnant dans la zone, ces averses me sont plutôt agréables.

Une petite halte dans un hameau me permet d’apercevoir l’arrivée d’une barque de pêcheurs. Des enfants se précipitent pour les aider à sortir l’embarcation de l’eau. En échange, ils reçoivent un poisson qu’ils ramènent fièrement à la maison.

Je croise également un auteur colombien venu passer une vingtaine de jours dans le calme de ce village, propice à l’inspiration.

J’accroche mon hamac sous le carbet d’un rustique bar de plage. A quelques mètres, je récupère une chaise et une table à laquelle je m’installe pour actualiser mon carnet de route puis avaler ma soupe nocturne. Face à moi : la mer des caraïbes… il y a pire comme décor !

Quelques barques de pêcheurs s’en vont passer la nuit en mer.

Des gamins surgissent. Curieux, ils me posent une avalanche de questions avant d’aller se baigner à l’embouchure d’un petit cours d’eau. Après avoir fait de même, je me glisse dans mon hamac. L’eau n’était pas vraiment limpide mais suffisamment rafraichissante pour faire baisser la température de mon corps et passer ainsi une bien meilleure nuit.

Au lever du jour je suis réveillé par une pluie matinale dont les gouttes, portées par les rafales de vent, viennent m’éclabousser… Quel délicieux début de journée !

Alors que je plie mon barda, un homme à la démarche chaloupée, vient cueillir une noix de coco. Quelques coups de machette et voici servi son petit-déjeuner.

Pour moi, ce sera café et céréales. Le premier café du jour est le réveille-matin de mes sens.  

Sur le bord de la route, des cartons de bananes plantains attendent le passage d’un camion. Celles-ci sont destinées à l’exportation.

Avant de pénétrer dans l’intérieur des terres, je passe à Arboletes voir le volcan de boue Lodo. Malheureusement l’endroit est fermé pour des raisons de sécurité. Les bords du cratère s’éboulent, constituant un danger pour les visiteurs. Les deux gardes présents surplace me laissent gentiment entrer et m’accompagnent afin que je puisse faire quelques photos.

Dès lors, je tourne le dos à la mer pour entamer cette nouvelle traversée du pays en direction de l’Equateur.

Le paysage change aussitôt. Ce sont dorénavant d’immenses pâturages peuplés de vaches et de buffles.  Mon passage à vélo effraie quelques pauvres Iguanes. S’ensuivent quelques chaudes journées sur un parcours relativement monotone. La générosité des gens se vérifie. Ici, une femme m’offre un jus de fruits. Là, un homme paie le petit-déjeuner que je viens d’avaler. Les gens se soucient de ma sécurité et s’assurent de mon bien-être.

En traversant certains villages, je passe devant des bars à la musique poussée à son maximum. L’un à côté de l’autre, c’est une véritable cacophonie, totalement insupportable. Les conversations des clients doivent être inaudibles. Certains y sont d’ailleurs dans un état d’ébriété bien avancé.

Je file plus loin.

Après la plaine j’emprunte des pistes vallonées en mauvais état. Alors que je m’échine sur une portion de piste empierrée, un camionneur s’arrête pour m’offrir deux poches d’eau fraîche, bienvenues.

Quelques ruisseaux traversent la piste. Sous estimant parfois leur profondeur, je me retrouve à plusieurs reprises les chaussures dans l’eau.

A l’aube, je suis réveillé par les premières lueurs du jour accompagnées de la bande son des chants d’oiseaux qui expriment joyeusement leur félicité de revoir la lumière. Cela vaut toutes les sonneries de réveil au monde !

Un ouvrier travaillant sur la chaussée m’offre un café le temps d’une discussion.

Mon compteur kilométrique ne fonctionne plus que par intermittence. Je dois changer la pile. Le parcours devient plus vallonné. Ayant gagné quelques centaines de mètres d’altitude, la température est nettement plus agréable.

L’approche de la bourgade de Vegachi est très boisée, de pins, puis d’eucalyptus. Viennent ensuite Rémédios, Yolombo où je fais un bout de route avec un gamin à vtt. Chaussé de vieilles bottes et portant un vieux pantalon déchiré, ce gamin semble très à l’aise et d’une grande gentillesse. Il m’explique que ses parents possèdent une finca avec douze vaches laitières. Les gens de cette région s’avèrent particulièrement sympathiques.

Si sur les longues routes australiennes, on croise des « road-trains », camions tractant trois ou quatre remorques, ici, nous avons ce que j’ai baptisé les « horse-trains ». Il s’agit d’un paysan à cheval qui transporte de la cane à sucre à l’aide de trois ou quatre autres bêtes. Contrairement à l’Australie, il n’y a pas d’appel d’air lorsque je les croise.

La canne à sucre occupe la majorité des terres de la zone, jusque sur les talus.

Trempe de sueur en raison de l’effort fourni lors d’une ascension, je suis soudain lavé par un violent orage qui me fait greloter.

Près de Yolombo, je suis brusquement réveillé en pleine nuit. Mon matelas gonflable bouge. Cela dure encore quelques secondes. Pas de doute possible, la terre vient de trembler. Dans ma toile de tente je ne risque pas grand-chose.

Le parcours est toujours plus accidenté. Je passe à San Roque, petit village à l’atmosphère paisible. Il doit faire bon vivre dans un tel endroit. Devant quelques bars, des chevaux, visiblement habitués, attendent patiemment leurs propriétaires.

A une terrasse, j’observe deux vieilles femmes venues boire un café au lait. J’adore ces scènes de vie d’une grande simplicité qui rajoutent à ce sentiment de bon vivre.  Aux coins des rues, des chiens font leur sieste, contribuant eux aussi à parfaire la douceur du décor de ce village bucolique.

Un homme vend des morceaux de fruits. Un autre passe en ventant les mérites des « troci-pollos ». Ce sont des petits morceaux de poulet frits qui recueillent un certain succès auprès de quelques buveurs de bières.

Je me dirige ensuite vers Saint Rafael, dont les environs sont riches en petites cascades et multiples trous d’eau où il fait bon se rafraichir.

A mon passage, des vaches, sans cesser de ruminer, paraissent s’interroger sur l’espèce à laquelle j’appartiens.

En fin de journée, les « campésinos » se mettent sur leur 31 et descendent à cheval sur la place de Saint Rafael. Ils viennent boire quelques verres, rencontrer les amis et proposent quelques balades à cheval moyennant de quoi payer quelques consommations. C’est l’attraction des soirées.

Le lendemain, je rencontre un couple de colombien effectuant une balade à vélo. Ils ont passé de nombreuses années aux Etats-Unis et sont revenus sur leurs terres depuis à peine trois mois. Ils me précisent qu’ils sont ici pour évangéliser les gens. En Colombie, comme dans la plupart des pays d’Amérique latine, la religion est omniprésente.

Je passe ensuite à Guatapé et monte au sommet de son fameux Peñol (rocher qui domine les environs).

Malheureusement, en Colombie, je suis fréquemment confronté à un problème pour camper. La présence en tous lieux de clôtures barbelées m’empêche souvent d’accéder à des endroits qui me semblent paradisiaques… maudits fils de fer !

La veille de Noël, une descente de 37 kilomètres me mène à La Pintada, sur le bord du rio Cauca. La police m’invite alors à trouver un endroit et ne plus en sortir jusqu’au 26 au matin. Afin de limiter les risques de contagion, il est interdit de circuler pour Noël comme pour le jour de l’An. N’ayant pas eu le reflexe de faire des provisions, je passe ma journée de Noël en dégustant deux boites de thon, savourant une soupe chinoise et me délectant de nombreux cafés… « joyeux Noël » !

La suite du parcours évolue en fonction des rencontres qui m’orientent vers telle ou telle autre route. Ainsi j’arrive à Arauca où la descente m’offre une superbe vue sur ce village qui semble s’agripper à la colline afin ne pas glisser dans le rio Cauca.

En quittant le bourg, on me conseille un itinéraire passant par Belalcazar et son décor de plantations de café. J’y rencontre quelques cueilleurs en action. La charmante bourgade s’avère riche en grimpettes assassines.  

A présent mon inquiétude grandit concernant l’ouverture des frontières terrestres prévue le 16 janvier. Quelques informations me font sérieusement douter de cette possibilité. Qu’en sera-t-il vraiment ?

Je commence à désespérer et envisager plusieurs scénarios radicalement opposés…

A suivre !