Nuit cinq étoiles.
19 novembre 2024Rayons de soleil.
30 novembre 2024J’avais, ces derniers jours, l’impression d’être un adepte de « l’urbex », pratique qui consiste à visiter des lieux construits et abandonnés par l’homme. Il est vrai que l’Arménie offre un large éventail de bâtiments désaffectés datant de l’époque soviétique, dont la plupart des gens ne connaissent même pas l’histoire.
Lorsque je quitte Vardenis afin de poursuivre mon tour du lac Sevan, une fine pellicule de neige blanchit la zone. Elle se transforme rapidement en gadoue. Puis c’est de la neige fondue qui s’invite alors que les sommets voisins blanchissent. La route située à 1900 mètres d’altitude demeure pour l’instant épargnée. Je longe donc le lac en apercevant très peu de gens hormis les véhicules que je croise. Je distingue au loin quelques bergers emmitouflés accompagnant leurs troupeaux de moutons. Nous nous saluons d’un signe de la main. Face à la froideur, une certaine solidarité semble nous lier. Le vent, omniprésent, balaye incessamment une végétation à forte résilience. Ce vent, mêlé à l’humidité ambiante créé une atmosphère plutôt glaçante.
Je passe devant ce qui ressemble à des centres de vacances, de petits hôtels et autres commerces fermés à cette époque de l’année. J’atteins Tsovagyugh en fin de journée. En bordure du lac, de grands bâtiments abandonnés semblent vouloir me murmurer leur histoire. L’accès en parait condamné. En m’approchant, je remarque néanmoins une petite ouverture proche du portail principal. Je m’y glisse avec mon vélo et file aussitôt me réfugier à l’abri des regards, du vent et de la neige fondue qui se pointe à nouveau. Je me trouve en fait dans un grand complexe hôtelier cinq étoiles datant de l’époque soviétique qui n’a jamais été terminé. Le lieu est constitué d’un ensemble de bâtiments imposants et sans charme, mais dont l’emplacement en faisait un atout incontestable.
La soupe chaude de ce soir m’enveloppe d’une douce et agréable sensation. Chaque gorgée m’apporte un vrai moment de bonheur et de réconfort. C’est bon pour le moral !
Au réveil, je suis heureux d’avoir passé une excellente nuit. Les degrés supplémentaires grâce à la couverture achetée la veille ont été fort appréciables. Le fait d’avoir installé ma tente à l’abri du bâtiment abandonné m’a également préservé d’une humidité fort ennuyeuse.
Au terme d’une journée qui me voit passer de paysages arides à un décor boisé, j’atteins la ville de Dilijan, considérée comme « la Suisse arménienne ». Le fleuve d’Aghstev la traverse ainsi que d’autres petits affluents. Je parviens enfin à réparer mon matelas gonflable qui fuyait imperceptiblement. En quête de cette fuite, je l’avais immergé en vain dans le lac Sevan. Mais en y appliquant de l’eau savonneuse j’ai finalement réussi à la déceler.
Mon itinéraire me conduit ensuite vers Vanadzor. La route s’élève sur une bonne partie du parcours pour finalement plonger vers la troisième ville du pays. Dès mon arrivée, je m’éloigne de quelques kilomètres, vers une zone boisée où se trouve l’ancien camp pionnier « Artek », construit sur le modèle du camp de Crimée du même nom qui servait les représentants de l’élite de la période soviétique. Abandonné à la fin des années 1980, le magnifique bâtiment d’Artek est aujourd’hui dans un état de délabrement avancé. Il sera ce soir un lieu de bivouac original.
Le lendemain c’est un autre ancien camp de pionnier qui va m’accueillir à la périphérie de Spitak. En arrivant, je me trouve face à l’ancien cinéma, décoré d’une grande mosaïque représentant des enfants en balade avec un cheval.
Un peu plus loin je suis attiré par un grand cadran solaire en mosaïque décoré des signes du zodiaque. Je poursuis ma découverte jusqu’à un bâtiment qui abritait un bowling et dont les pistes sont encore bien visibles. A quelques pas se trouve un autre édifice qui abritait une piscine intérieure. De magnifiques mosaïques remarquablement conservées ayant pour thème la natation et la mer en décorent chaque extrémité.
Je passe donc ici une nouvelle nuit dans un abri vraiment étonnant.
Finalement, je retrouve quelques jours plus tard la capitale, Erevan, où je récupère mes nouveaux pneus qui vont j’espère, me mener encore loin sur les routes du monde…